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Une demeure disparue : le château des Imbergères

lavoirter 300x225Du château des Imbergères, démoli en 1939, il reste le nom, dont on ignore l’origine ; il reste l’ histoire, de cette demeure

 

disparue,  patiemment redécouverte par A. Panthier ;  mais avant de la raconter  il faut la situer sur le terrain.

L’ancienne rue Voltaire  qui amorce la route de Châtenay et d’Antony, ne descendait pas autrefois jusqu’au ruisseau d’Aulnay. Elle se heurtait à mi-pente, un peu plus bas que le débouché de la rue des Imbergères et le lycée Marie-Curie, à un ensemble de constructions qui, progressivement embellies au cours des âges, réusssirent à se parer du nom de château des Imbergères. La façade, tournée vers le midi donnait sur un parc qui descendait jusqu’au bas de la pente. L’emplacement, un peu à l’écart de la ville, la vue sur le vallon ombragé et la  campagne de Châtenay, étaient faits pour attirer les amateurs de calme et de solitude. A une époque incertaine, mais à coup sûr reculée, une chapelle y avait été construite. Elle devait subsister jusqu’à la Révolution.

Puis vers le milieu du 16ème siècle, un bourgeois de Paris Guillaume Danetz, “marchand banquier ” de la rue Saint-Honoré, se fait bâtir une maison de campagne : construction toute provisoire,  car en 1598 son gendre  Jean Willart, conseiller du Roi et auditeur à la Chambre des comptes de Paris la mettait à bas et faisait édifier au même emplacement la maison principale qui devait subsister sans addition jusqu’en 1768 et rester debout jusqu’en 1939.

La maison comprenait un rez de chaussée surélevé de deux marches et deux étages, dont le second surbaissé. La partie centrale , avec trois fenêtres était en légère saillie sur les ailes. Le toit trapézoïdal couvert d’ardoises, s’ouvrait par trois lucarnes sur la façade au midi et se flanquait de deux cheminées aux extrêmités.Le comte de Tresmes adopta la même sobriété quelques années plus tard pour la construction du château de Sceaux.

Pendant les deux générations suivantes, deux femmes allaient hériter de cette maison :  Geneviève  Willart la petite- fille, et son mari François Dezaleux, avocat au Parlement (1613-1706) , agrandirent le domaine, qui descendit alors jusqu’au ru d’Aulnay ; il se répartissait en jardin, verger, vignes, terres labourables , prés, oseraies. Leur fille, Geneviève se marie à un gentilhomme d’authentique noblesse de robe,  Augstin de Louvencourt, conseiller du Roi et maître ordinaire en sa Chambre des comptes.

C’est le fils de ce dernier,  Augustin -François -de-Paule de Louvencourt qui de 1711 à 1760 occupa la propriété des Imbergères. Conseiller en la Grande Chambre  du Parlement de Paris, il désapprouvait les mœurs du temps et menait une existence exemplaire et volontairement effacée. La propriété cesse d’être un bien de famille ;  de la mort de M. de Louvencourt  jusqu’à la démolition en 1939, la propriété sera vendue dix fois et changera encore plus d’occupant.

Il n’a pas de postérité et légua les Imbergères à Joseph Benoît Coste de Champeron , conseiller du Roi en sa cour de Parlement. A la mort de son ami, le 8 février 1760, il en prend possession et entreprend des transformations. Il démolit les anciens communs, jusque là séparés du corps  principal de logis, remit celui-ci à neuf dans le style de l’époque et lui accola deux bâtiments ; celui de droite contenait cuisine, office, et garde-manger ; celui de gauche formait écurie pour huit chevaux, trois remises et des chambres de domestiques. Il fut moins heureux quand il entreprit de rénover son domaine. Depuis longtemps, l’impasse du lavoir entaillait les jardins par une profonde enclave qu’il voulut résorber : la résistance des habitants de Sceaux l’obligea à abandonner son projet.

Après avoir servi de retraite à la duchesse de Saint-Pierre,  qui y chercha à 90 ans l’oubli d’une existence tourmentée, les Imbergères furent vendues en 1768 pour 94 200 livres à Jacques Paul Mérey, dont la fortune s’était édifiée à Haïti et aux Antilles. Maintenant il était décidé à jouir des beaux jours au milieu de son parc, de ses fleurs, de son verger et les jours maussades,  dans la riche bibliothèque qu’il avait installée dans la plus belle pièce de la maison au premier étage. La Révolution mit fin à ses rêves, il dut restreindre son train de vie ; après sa mort le château fut vendu pour 75 000 francs le 9 février 1802 à  Anne, Justine Feydeau veuve d’ Ange Augustin de Maupéou, fils du célèbre chancelier, laquelle eut à peine le temps d’en profiter, avant de s’éteindre 3 ans plus tard. Le 1 avril 1807 ses héritiers vendaient la propriété pour 70 000 francs à Martin Garat financier sous la Révolution, directeur de la nouvelle Banque de France, baron de l’Empire. il s’empressa de transformer le jardin . Les anciens parterres firent place à  des pelouses irrégulières, des allées sinueuses et des bosquets. On aménagea une rivière, deux lacs avec des îles, avant même de s’assurer de leur alimentation en eau. La demande pour obtenir celle du ruisseau d’Aulnay  traîna, et l’Empire était tombé quand l’ eau coula enfin entre les berges . Elle ne coula pas longtemps sous les yeux de Martin Garat.

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Les ventes allaient se précipiter : le 5 octobre 1818 vente au comte Mielzynski pour la somme de 115 000 francs ; revente le 21 janvier 1820, pour 80 000 francs à une grande comédienne Mme Anne Françoise Hippolyte Boutet dite Mlle Mars. Ébranlée par la mort d’une de ses filles à l’âge de 20 ans , elle entendait trouver aux Imbergères un hâvre de paix, sans renier pour cela sa vocation théâtrale . C’est de l’art du décor plus que l’architecture que procédèrent les aménagements qu’elle apporta à sa nouvelle demeure. La façade ravalée en blanc et agrémentée de moulures antiques, l’intérieur orné de pilastres doriques, de niches avec leurs statues, les riches parquets en mosaïque de chêne et d’ébène, la couleur gris perle cédant le pas au rouge brique dans la salle de billard répondaient bien au goût de l’époque. Mais l’addition la plus originale fut un portique en demi-rotonde, “vaste porche en pierre de taille couvert d’une terrasse en plomb supportée sur quatre colonnes et deux pilastres d’ordre ionique, pavé en mosaïque garni d’une rampe de fer doré et entouré de caisses à fleurs et de vases de fonte placés sur des piédestaux” (acte de vente de 1826)

Pourtant le 8 mars 1826 Mlle Mars abandonnait les Imbergères pour 120 000 francs à un riche agent de change Agapit Jean-Baptiste Louis Vandermarcq, maire de Sceaux de 1837 à 1846. Pendant le siège de Paris la demeure située à contre-pente du tir des assiégés et à bonne distance des lignes qui passaient par Châtillon et Bagneux, abrita le général commandant la 8è brigade bavaroise.

Boucicaut jeune, fils du fondateur du Bon Marché, était locataire de Vandermarcq depuis un an quand il offrit en 1875, dans le parc du château, une fête retentissante aux 500 employés du grand magasin. Mais les héritiers de Vandermarcq ayant  décidé de vendre, il renonca à être acquéreur, faute d’avoir obtenu la cession de l’impasse du lavoir de la part d’une municipalité que ne put décider son offre, en échange d’un square public créé et entretenu à ses frais.

Vendues en 1876, revendues en 1877 au docteur Joseph Marie Alfred Beni- Barde pour 50 000 francs, les Imbergères connurent un sursis et brillèrent d’un certain éclat sous leur nouveau maître.

En 1910 le domaine de 10   hectares  vendu   pour 150 000 francs fut aussitôt dépecé : les arbres abattus, les terres revendues, la demeure louée à un marchand de vin qui amoncela ses barriques et sous-loua les parties habitables. Cette déchéance  n’aurait peut-être pas été sans remède sans la nécessité de créer de nouvelles voies de circulation autour d’une petite ville que tant d’autres grands domaines enserraient et étouffaient. On peut déplorer que le tracé choisi ait coupé en deux le château, éventrant la maison de Jean Willart et sacrifiant la rotonde de Mlle Mars. En septembre 1939 les évènements se chargèrent de ramener aux proportions de simple incident la ruine définitive du Château des Imbergères.

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